Le loup est souvent illustré, dans les contes pour enfants, avec une image de grand méchant, et sa présence dans nos campagnes fait beaucoup débat entre les pros et les anti-loups. Pourtant, de nombreux professionnels s’inspirent de son modèle social – ou du moins, présumé – pour démontrer ce que devrait être le leadership managérial dans le monde du travail.
Cependant, beaucoup de fausses informations sur les meutes de loups circulent !
La meute de loups, entre illusion et réalité
Le loup alpha, bêta, gamma… un faux-semblant
Une meute de loups est un groupe de plusieurs canidés d’une même espèce qui vivent ensemble. En tant qu’animal social, le loup vit en meute. L’idée selon laquelle il y aurait entre les membres du groupe une hiérarchie de dominance linéaire stricte : un loup mâle alpha qui aurait le dessus sur le loup bêta, qui lui même dominerait un autre individu dénommé gamma, jusqu’au dernier individu omega qui serait le « souffre-douleur » de tous les autres, est une idée plus ou moins erronée. Ce faux-semblant est apparu, entre autres, à la suite d’une publication du biologiste David Mech, en 1970, dans un ouvrage sur le loup, qui mettait en avant qu’un seul mâle dominait tout le reste du groupe : le « mâle alpha ».
Ce concept a été élaboré puis étayé par la suite par des études sur des meutes de loup en milieu captif et ne peut alors pas s’appliquer aux canidés qui vivent en milieu sauvage. En effet, de nombreux paramètres diffèrent entre une vie en captivité et en liberté : l’accès à la nourriture, la reproduction, l’espace, la mise en contact avec des individus non familiers, etc.; qui impactent fortement sur les relations sociales !
Une histoire de famille
Quelques années après avoir publié son ouvrage sur la vie sociale des loups, David Mech a avoué avoir mit la charrue avant les bœufs. C’est après avoir étudié pendant 13 étés des loups sauvages, sur l’Ile d’Ellesmere au Canada, qu’il rectifie le tir : le mâle alpha est en fait celui qui s’accouple et se reproduit. Ainsi, on parlerait plutôt d’un couple reproducteur, dont la descendance deviendrait la meute. Cette meute est alors constituée des parents, qui sont les seuls à pouvoir se reproduire, de leurs jeunes issus de la dernière portée et de leurs frères et sœurs qui, dans certains cas, peuvent être âgés d’au moins 3 ans.
Le fonctionnement de la meute de loup
Savoir quitter sa famille pour en créer une autre
C’est généralement vers l’âge d’un an, un an et demi, que les jeunes quittent le noyau familial. Alors en âge de se reproduire, ils peuvent à leur tour rencontrer un partenaire pour créer leur propre meute. Certains rejoignent aussi des groupes voisins. Pour les plus chanceux, l’intégration dans une nouvelle meute se passera sans heurt. Pour les autres, ils pourront, ressortir victorieux d’un combat et intégrer une nouvelle meute, ou malchanceux, vaincus, et mourir…
Une répartition des tâches
Au sein de la meute, le couple reproducteur n’a pas comme unique but de faire des petits, il faut aussi assurer la survie du groupe ! Ainsi, le mâle va être celui qui va initier les activités de chasse et les déplacements de l’ensemble de la meute sur leur territoire, qui peut s’étendre de 200 à 600 km2 (en Europe). La femelle, elle, va s’occuper des jeunes qu’elle aura mit bas dans une tanière. Petit à petit, ces jeunes pourront évoluer dans les « sites de rendez-vous », qui sont des lieux sûrs choisis par la meute, où les frères et sœurs aideront leur mère à procurer aux plus petits soins et protection.
Une défense commune du territoire
L’ensemble des carnivores du groupe défendent leur territoire contre les meutes voisines, de manière passive, en urinant et déféquant pour délimiter leur territoire ou avec des hurlements qui peuvent être entendus sur de très longues distances. Lors d’intrusions sur le territoire et de rencontres entre différentes meutes, des combats ont lieu, pouvant entraîner la mort de certains individus !
Sources :
Anne-Sophie Gauvin, « Organisation d’une meute de loup (canis lupus lupus) captif au parc alpha : impact d’un changement de couple reproducteur », Thèse de doctorat vétérinaire, sous la direction de Caroline Gilbert, Créteil, école nationale vétérinaire d’Alfort, 2013, 170 p.
Mech, L. D. (1999). Alpha status, dominance, and division of labor in wolf packs. Canadian Journal of Zoology 77:1196-1203.
Document de formation : le loup – ONCFS – Direction Etudes & Recherche – CNERA PAD – Equipe loup-lynx, Décembre 2011
Photos : Cloudtail the Snow Leopard ; Steven Vacher