Faune sauvage et forêt font bon ménage ! En effet, certains animaux, généralement les frugivores, favorisent la dissémination des graines végétales à des distances plus ou moins importantes de leur plant mère. Ils participent alors à l’expansion de la forêt par ce qu’on appelle la zoochorie (terme employé pour caractériser l’éparpillement des graines végétales par l’intermédiaire d’un animal).
Voyons ensemble quelques espèces animales sans lesquelles nos forêts ne seraient pas les mêmes !
Les plantes : diverses manières d’éparpiller leurs graines
Avant tout, faisons un rapide point sur les modes de dispersion des plantes. Celles-ci n’ont pas de moyens de se déplacer pour coloniser de nouveaux espaces. De ce fait, plusieurs modes de dispersion se sont alors développés au cours de l’évolution des végétaux. Certaines espèces végétales se dispersent de manière « autonome » et n’ont besoin d’aucune aide extérieure, développant des processus de projection qui leur sont propres ou profitant simplement du phénomène de gravité. D’autres ont besoin d’être transportées par le vent ou l’eau, et d’autres encore, par les animaux. Cette dispersion est importante, car les graines, pour se développer efficacement, doivent se trouver à distance du pied parent. La dissémination des graines est alors essentielle à la régénération des forêts. La zoochorie prédomine dans les forêts tropicales humides.
Des animaux qui participent à la dissémination des graines de façon directe
Les plantes, qui ont besoin des animaux frugivores pour se déplacer, les attirent par des couleurs, des odeurs, des mouvements, etc., qui poussent ces derniers à les consommer. Elles jouent aussi avec l’apport nutritif de leur pulpe, ou arille, qu’elle leur confère.
La dissémination des graines par les oiseaux
Ainsi, un grand nombre d’oiseaux et de chauves-souris favorisent, par le biais de la zoochorie, la régénération forestière. Ils contribuent à disséminer les graines des fruits qu’ils ont mangés en déféquant, les dispersant alors à divers endroits pendant leur vol. Par exemple, le calao longibande, que l’on retrouve beaucoup dans les forêts ivoiriennes, pourrait être l’une des espèces les plus importantes à la réhabilitation des forêts dans les endroits où elles auraient été dégradées. Et pour cause, c’est l’un des seuls oiseaux de sa taille à franchir la forêt pour survoler ses environs. Sachant, qu’après s’être nourrit, il lui faut plus d’une heure pour digérer, cet oiseau a le temps de parcourir plusieurs kilomètres (3,5 km environ) et donc de larguer à divers endroits les graines ingurgitées précédemment.
Les mammifères terrestres
Les singes éparpillent les graines après avoir mangé les fruits
Les singes (chimpanzés, bonobos, singes hurleurs, etc.) qui se déplacent beaucoup et en tant que grands consommateurs de fruits ne sont pas en reste ! C’est notamment le cas du gorille des plaines de l’Ouest, dont certaines graines de fruits qu’il mange poussent mieux après avoir été mangées. En effet, certaines plantes, après ingestion, grâce à la suppression de la pulpe et la scarification de la graine, germent mieux que celles qui ne l’ont pas été. La matière fécale aide aussi à sa croissance. Aussi, certaines plantes disséminées par ces grands singes ont une croissance dix fois plus rapide que celles qui ne le sont pas. Cela est principalement du à l’endroit où les gorilles nidifient et disséminent donc les graines : généralement dans des sites forestiers à canopée ouverte.
Les éléphants dispersent les graines tout au long de leur migration
L’éléphant est aussi un très bon transporteur de graines. En effet, en plus de pouvoir manger des fruits plus gros que les autres animaux, il a une faible mastication ainsi qu’une digestion très incomplète, ce qui permet de ne pas endommager le noyau ou les graines. Comme pour le gorille, celles qu’il a mangées poussent mieux une fois qu’il les a déféquées, plutôt que celles qui sont semées naturellement. Le crottin leur confère de meilleures conditions pour se développer : humidité, température, et matière organique suffisante. Se déplaçant sur de grandes distances, les pachydermes sont aussi responsables de la structure de la flore, créant de nouveaux assemblages de plantes au gré de leurs migrations et de leur régime alimentaire. Constatant un déficit de pieds de certaines plantes généralement bien disséminées par les éléphants dans le Parc de Banco en Côte-d’Ivoire, un scientifique suppose même que cela serait dû à la disparition des éléphants dans cette forêt.
Protéger la faune est alors indispensable pour la flore, et vice-versa…
Crédits photos : Heather Paul ; alisofff ; Nik Borrow
Sources :
Jensch, D. & Ellenberg, H. (1999). Le rôle disséminateur et indicateur du calao longibande (Tockus semifasciatus) et la réhabilitation des forêts dans l’est de la Côte-d’Ivoire. Rev. Ecol. (Terre Vie), Vol. 54.
Haurez, B. (2015). Rôle du gorille des plaines de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla) dans la régénération des forêts denses humides et interaction avec l’exploitation sélective de bois d’œuvre. Thèse de doctorat. Université de Liége – Gembloux Agro-Bio Tech, Belgique.
Kouamé, D., & al. (2010). Le rôle de l’éléphant dans la germination des graines de Irvingia gabonensis (Irvingiaceae), Balanites wilsoniana (Balanitaceae), Parinari excelsa (Chrysobalanaceae) et Sacoglottis gabonensis (Humiriaceae) en forêt tropicale : cas du Parc National d’Azagny en Côte d’Ivoire. Int. J. Biol. Chem. Sci. 4(5) : 1442-1454.